lundi 29 avril 2013

Du pain et des fleurs...






Il faut, pour vivre, du pain et des fleurs.
Et dix paroles murmurées à l’oreille de la mer, quand le désert s’essouffle à nous tenir la main.

Tu n’auras pas d’idoles, dit Dieu, et tu ne devras rendre compte à personne. Moi seul serai ton juge et ton maître. Tu ne mangeras pas, jamais, le pain de l’esclavage. Tu ne plieras pas l’échine. Tu seras libre comme le vent dans les joncs.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et l’absolue liberté de n’avoir sur terre aucun seigneur.

Tu parleras pour toi-même. Ta parole sera claire et sincère, et tes yeux auront la transparence des lacs de haute montagne.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et tu te tairas devant les flatteurs pour mieux hurler devant les injustices.

Tu ne courras pas après ton ouvrage comme si ta vie en dépendait. Tu t’arrêteras un jour, tu te reposeras. Tu laisseras le monde se reposer. Tu prendras soin de toi-même.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et tu dormiras dans les bras de l’innocence.

Tu t’enracineras dans ton histoire, aussi douloureuse soit-elle. Tu feras la lumière sur ce que les anciens t’ont gravé dans le coeur. Tu retourneras les secrets de famille en nouveaux commencements.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et tu te découvriras une tendresse pour ceux qui ont souffert avant toi.

Tu ne tueras pas. Tu sauras que tu es responsable de tous ceux, êtres humains, animaux, océans et forêts, que ton mode de vie détruit.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et tu veilleras à ce que le blé et les fleurs ne soient pas cultivés par des paysans que ces cultures affament.

Tu ne dévoreras pas ceux que tu aimes. Tu te tiendras loin de la jalousie. Tu n’accepteras jamais qu’un couple soit un lieu de violences. Tu dénonceras les maltraitances.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et tu veilleras à ce qu’il n’y aie pas de coups dans tes histoires d’amour.

Tu ne t’accapareras pas la planète qui est donnée pour tous et toutes.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs. Tu ne prendras rien à personne, car le pain et les fleurs te seront toujours donnés.

Tu ne mentiras pas. Tu ne dénigreras pas. Tu ne diras pas d’un autre des mots qui le feraient se sentir diminué jusqu’à ce que l’ombre l’épuise. Tu ne te permettras pas de colporter des on dit. Tu ne jugeras pas. Et tu porteras au coeur la nécessaire conviction que tous les êtres humains sont égaux en dignité.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et tu ne diras jamais, jamais, que le pain doit t’être réservé.

Tu ne prendras pas les terres des autres, tu ne les changeras pas en grands champs de mort, tu ne puiseras pas dans ses cavernes, et tu ne feras pas la guerre, et tu n’asservira pas les fragiles et les pauvres.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et tu laisseras choir tes privilèges comme un vieux manteau usé.

Que du pain et des fleurs.
C’est tout ce qu’il te faut pour vivre.
Ton steak, ton gsm, ton compte en banque, l’asservissement des femmes et des migrants, le rejet des gens différents de toi, et la certitude de valoir plus que quelqu’un d’autre, tu n’en a pas besoin.
De piller et asservir, tu n’en as pas besoin.
De haïr et détruire, tu n’en as pas besoin.
De te rendre indigne de la beauté du monde,
TU N’EN AS PAS BESOIN.

Il ne te faut, pour vivre, que du pain et des fleurs.
Et dix paroles murmurées à l’oreille de la mer, quand le désert s’essouffle à te tenir la main.



Paru in blog christianisme social

mardi 9 avril 2013

"Venez déjeuner !"


Lire : Actes  5, 27- 41 et  Jean  21, 1- 19

Jésus leur dit : «Venez déjeuner. » Aucun des disciples n’osait lui posait la question : "Qui es-tu ? » Ils savaient  bien que c’était le Seigneur.  Alors Jésus vient ; il prend le pain et le leur donne ; il fit de même avec le poisson »

1- Jean 21 comme un appendice. Un ajout. Un post-scriptum.  Un  « bis » comme on dit au concert . Un surplus,  comme une prime à celles et ceux qui ont lu ou reçu les 20 premiers ch. L’évangile est de cet ordre : la bonne nouvelle est un bis, une prime, une valeur ajoutée, car elle est au-delà de la limite ; on pourrait dire qu’elle nous entraine hors du cadre habituel dans un premier temps.  La foi, notre foi comme un appendice ? Un post-scriptum ? Une prime ? Même si elle n’est pas au centre, elle compte comme une périphérie vivante .

2-Jésus se manifeste aux siens. Pâques c’était la découverte du vide et de l’absence. Le temps suivant c’est le temps de la présence. Une présence originale et troublante car l’après ressemble à l’avant. Après la victoire de la vie plus grande que la mort ; voici le retour dans la banalité de l’existence. Voir le retour d’Ulysse à Ithaque. Voir la mort de Socrate et sa présence dans l’écriture de ses disciples et en particulier de Platon.  Avant le temps de la disparition de la nouvelle et radicale absence voici le temps de la présence ordinaire.

3- Le lieu de cette présence n’est pas quelconque ; il est troublant. Ce n’est ni le temple, ni la chambre haute comme une présence réservée aux siens ; ce n’est pas une présence intériorisée dans leur conscience ou leur esprit ; ce n’est pas une illumination, ou une révélation avec des signes divins ou cosmiques.  Le lieu de la présence c’est l’activité, le travail des hommes, des humains. Après le temps de la vie normale ce fut le temps de la « suivance » de Jésus ; après le temps de la déception  ce fut le temps de la perte et de l’absence. C’est maintenant et sans doute pour toujours, le temps de la présence sur le lieu même de la vie aux prises avec les réalités les plus ordinaires.

4- L’action du vivant s’opère dans un certain anonymat qui stimule transcende les proches et les témoins. Le lundi matin dans la tradition johannique on ne se lamente pas ; on rassemble ses amis au-delà du cercle habituel, des nouveaux sont là. Et Pierre annonce souverain : je vais à la pêche !

Chez Matthieu on disait ce que vous avez fait à l’inconnu l’un des plus petits c’est à moi que vous l’avez fait ! L’action du Vivant, sa présence s’opère au quotidien, en vue de la nourriture de tous !

5- Ils deviennent  enfin de bons  ouvriers, de bons pêcheurs ; eux qui ne comprenaient pas grand-chose ;  ils sont nés de nouveau pour une efficacité qui concerne non seulement eux-mêmes mais leur horizon change , on sait que les fameux 153 peut signifier une totalité ; ils ne devront plus se restreindre se réduire mais augmenter et faire fructifier leur action et leur travail. Ils deviennent bons dans ce qu’ils font, dans ce qu’ils sont ;  ils deviennent  en même temps des invités presque timides ! Sans prétention.

 
6- la vocation chrétienne, notre vie dans la foi est ainsi décrite et parcourue ; elle est un appel à répondre à l’invitation de Pierre : Je vais à la pêche  je vais travailler non pour me changer les idées mais pour vivre ; c’est là que se trouve désormais le Seigneur ; notre foi qui rejoint notre vie c’est aussi répondre à l’invitation du Seigneur : Venez déjeuner ! Non seulement comme une Cène, mais comme un appel comme une présence au quotidien, comme une affirmation de sa présence dans une rencontre dans un échange dans un partage.  En réalité, l’Etre, la Présence, le Nom, le Christ vient nous saisir dans un « être-là » en situation et non dans le ciel ni dans le ciel des idées ou des imaginations.  Puissions entendre : « je vais à la pêche ! »  Pour  travailler d’une part, et « venez déjeuner ! » comme invitations et appels à la rencontre nourrissante.

 

lundi 1 avril 2013

Résurrection comme souvenir et rencontre de l'autre vivant


Pâques 31 mars 2013 à Pamiers et Saverdun


« Rappelez-vous comment il vous a parlé quand il était en Galilée ; alors elles se rappelèrent ses paroles, elles revinrent du tombeau et rapportèrent tout cela au Onze et à tous les autres ; C’étaient Marie de Magdala et Jeanne et Marie de Jacques ; Les autres compagnes le disaient aussi aux apôtres. » Luc 24, 1-12.

La fête de Pâques est un exode, c’est un exil ; c’est un passage et une sortie ; c’est une libération, c’est une sortie de prison ; c’est une naissance comme éblouissement ; la fête de Pâques ce sont toutes les forces de vie qui entourent et font diminuer toutes les forces de mort.

Pâques c’est la foi en une création qui fait vivre et qui s’exprime par la rencontre vitale de tous les autres ; c’est la célébration du premier jour ; dans le déroulement inexorable des semaines et des jours, Voici l’arrêt et l’étonnement au cœur de ce premier jour de ce temps nouveau, neuf, comme une nouvelle étape de vie pour des témoins surpris. Tout ne se déroule pas sans fin, tout ne coule pas comme le disaient les Grecs ; il y a des jours et des moments usés et des jours et des moments neufs ; il y a des temps qui inaugurent, il y a des temps de ressaisissement, de recueillement et de récupération.

Après et avec l’échec et la capitulation voici venu le temps de la récapitulation, avec et après le temps de la mort voici venu celui de la vie.

Les auteurs évangéliques et Luc en particulier, en écrivant dans la foi, les récits de Pâques ont été confrontés à une grande difficulté fondatrice du christianisme et de la foi elle-même : il fallait montrer et dire la bonne nouvelle de la vie, la bonne nouvelle de Jésus le Christ vivant en tenant compte à la fois de la réalité, de l’objectivité et d’un certain réalisme : il fallait qu’il n’y ait pas de doute : le Vivant le ressuscité, c’était bien Jésus de Nazareth, le crucifié ; et c’est alors l’insistance dans les textes des mentions de mort, celles des aromates celles des bandelettes, celle de la pierre, celle du corps et du tombeau. A ce niveau là il fallait affirmer que l’action de Dieu et son projet concernent bien Jésus mort : on parlait bien du même. Mais en même temps, il fallait exprimer et annoncer que la résurrection et Pâques ne ressemblaient en rien, n’avaient rien à voir, avec un joyeux happy end, une fin heureuse, une bonne conclusion à un épisode de la vie mouvementée et tragique.

Le jour de Pâques,  il fallait, il faudra et il faut annoncer que la foi qui prend naissance le premier jour de la semaine n’est pas fondée sur la régénération d’un cadavre qui aurait un jour à nouveau mourir. On ne nous raconte pas la sortie victorieuse et en gloire du tombeau. Tous les évangélistes ont pris soins d’éloigner les apparitions du ressuscité du tombeau lui-même. On ne décrit pas la sortie on ne raconte pas la résurrection, on ne détaille pas le comment, on affirme  et c’est la marque de l’Evangile de Luc, la disparition de Jésus, il n’est plus là. La victoire de Dieu sera dite par et dans l’absence : ce que les femmes étaient venues rencontrer, le corps de Jésus, elles ne le trouvèrent pas et en furent très décontenancées, dit le texte.

La foi de Pâques tient en ces deux perspectives : réalisme de la mort et du tombeau et en même temps béance, vacuité de ce tombeau désormais sans objet, sans corps. Absence et vide qui laissent place à des mots  à des paroles qui vont atténuer le choc et la brutalité de cette disparition qui vont orienter la foi et l’espérance en train de naître. Le corps mort de Jésus n’est pas objet de foi ni d’adoration, seul le corps absent seules les paroles vivantes fondent la foi de Pâques.  

En ce premier jour de la semaine nous sommes invités à nous mettre à l’écoute de cette foi de cette confiance en train de naître : la foi de Pâques, l’espérance vitale et dynamique qu’elle contient a pour cadre le réalisme de l’existence humaine qui s’exprime par le vide la béance et l’absence dans un tombeau désormais inutile car il ne répond plus à sa fonction.

Dieu intervient dans le cadre et non hors du cadre de l’existence humaine et son intervention peut s’opérer sous le signe du vide et de l’absence habités par des paroles vivantes pour des personnes en train de vivre et de revivre.

Ce sont bien des personnages de chair et de sang des êtres qui nous ressemblent ; ce sont des hommes, mais surtout des femmes apeurées et meurtris qui vont découvrir l’efficacité de Dieu l’efficacité de sa parole, la réalisation de ses promesses sur le lieu même de l’absence et du vide. Jésus n’est plus là mais finalement qu’importe, les marques, les traces, l’écho, le souvenir de son passage, de sa vie de ses actions sont ce jour-là tellement là, que sa disparition son éloignement va se transformer en dynamisme nouveau, en responsabilité nouvelle, en nouvelle marche, nouvelle parole en semaine nouvelle, en création nouvelle. Il n’est plus là ! Mais qu’importe, nous sommes là ;  les disciples sont là,  porteurs de son espérance, porteurs de ses réalisations à vivre, annonciateurs de son projet de vie. Le premier jour de la semaine, le jour de Pâques, soudain les disciples déconcertés et affolés, découvrent qu’ils deviennent utiles et nécessaires, qu’ils sont les agents préférentiels et agréés de la vie de Jésus.

Le miracle incompréhensible de Pâques réside là tout entier. L’action souveraine de Dieu est à jamais inséparable de la vie de  ses témoins. Pâques n’aurait aucun sens et nous ne serions pas là pour le célébrer encore, si les témoins du premier jour de la semaine ne s’étaient pas mis à l’œuvre pour annoncer de grand bouleversement de grand déplacement :

Le tombeau de Jésus n’est pas le bon lieu, il nous est inconnu il échappe à toutes nos tentations et nos envies de figer dans l’espace et le temps la réalité de Pâques.

On ne parlera plus ce jour là de Jérusalem et de la Judée lieux des pouvoirs et de la gloire fragile. – On ne parle plus du temple, lieu du sacré et de pèlerinage

Le jour de Pâques seule la Galilée compte, lieu de la mouvance et des déplacements de Jésus, lieu des rencontres avec celles et ceux qui en manquaient. Là où Jésus avait rencontré les paralysés de l’existence, là où il avait enseigné. Cet espace et ces moments historiques acquièrent soudain une dimension universelle et éternelle. Ce qui était un coin de terre devient figure du monde entier. Dans l’évangile de Luc la Galilée devient l’espace de la résurrection. Rappelez-vous comment il vous a parlé en Galilée. Ce qui s’y était passé et dit devient ce qui se passera toujours et partout.

La foi de Pâques prend figure de l’épopée galiléenne. Le passé soudain devient présent qui est orienté vers un avenir à vivre, non à répéter mais à reconstruire, nos vies, nos histoires nos espaces. Les frontières sont repoussées. La fête de Pâques grâce à Dieu c’est l’élargissement de tous les lieux étriqués, même ceux que Jésus avaient parcouru. Celui qui est vivant vivifie les espaces les tempos et les moments, il vivifie celles et ceux qui désormais auront pour raison de vivre l’annonce de cet élargissement possible et indispensable.

Des femmes d’abord  qui reçoivent une mission une identité elles qui découvrent l’impossibilité de rencontrer Jésus rencontrent deux hommes vivants parlant disant le sens et la perspective nouvelle. Celui qui est mort n’est plus là, mais faites de la vie en Galilée l’affaire de votre vie, allez le dire et le faire. La peur la crainte, le visage de la tristesse se transforme peu à peu en message porteur de vie et d’espérance tellement porteur de vie et de simplicité que les hommes y voient de  la folie.

Des hommes ensuite : Deux hommes ont pris la place du corps mort de Jésus. Seul Luc a  cette audace, les autres parlent d’anges ! Le premier jour de la semaine ce que Jésus auraient pu dire des hommes découvrent qu’ils peuvent le dire et le faire, ils comprennent que le Vivant c’est bien pour des vivants. Ils comprennent que la Galilée c était important, tout y était contenu : la croix, les rencontres les signes, la vie. Désormais il faudra vivre de tout cela. Les Onze et les autres et Pierre en particulier reçoivent de la part de Dieu, par des femmes et des hommes neufs leur ultime enseignement. Certes ils iront, Pierre ira vérifier la béance et la vacuité du tombeau, mais il faudra repartir avec le souvenir puissant de la Galilée et de la vie.


Pâques n’est pas une théorie, un dogme, c’est la rencontre d’une possibilité de vivre autrement et vraiment. En ce premier jour d’une semaine nouvelle nous sommes appelés à nous mettre à l’écoute des témoins de Pâques : ouverture d’un tombeau, disparité, parole et souvenir, découverte que sans témoins e train de se mettre en marche Pâques risque d’être une pseudo réalité magique. ; le Vivant ne joue pas avec la mort il dit le primat de la vie, il propose dans l’étonnement une parole et une action pour des hommes et des femmes celles de devenir des disciples des annonciateurs des témoins d’un monde transformé et transfiguré pour leur propre vie pour la vie des hommes et des femmes autour de nous.

 On ne peut pas vivre et croire Pâques en restant immobile dans nos vies nos conceptions nos orientations nos projets. Seuls des hommes et des femmes ressuscités et grâce à Dieu en train de le devenir reçoivent pleinement l’annonce, la force et la joie de ce jour. Ressusciter c’est faire mémoire, c’est être rendu capable de faire mémoire des gestes et des paroles de Jésus lorsqu’il était en Galilée. Nous avons tous des Galilées personnelles, nos vies et nos habitudes à revisiter, la rencontre avec la Galilée de Jésus va élargir nos espaces et les parcourir d’espérances à vivre.

Alors, rappelez-vous comment il vous a parlé lorsqu’il était en Galilée ! 

Le pain multiplié et le vin en abondance comme à Cana, sont partagés en Cène ; ils  sont le souvenir vivant de cette vie et de cette mort transfigurées, à recevoir et à annoncer. En les partageant puissions-nous là où nous sommes et comme nous sommes, découvrir des signes de résurrection. Grâce à Dieu Il est Vivant pour que nous vivions.